Fiche publiée dans Textes et méthodes 3e, Nathan 1999
A. l’intrigue
L’expérience personnelle se construit autour d’une intrigue, d’une transformation, ou tout au moins d’un évènement particulier. Le narrateur personnage subit une épreuve, franchit une étape, fait un apprentissage, et s’en trouve transformé.
B. les personnages
Il faut plusieurs personnages, nettement caractérisés, dans lesquels l’auteur peut s’incarner tour à tour. Le personnage principal peut avoir un confident. C’est le personnage à qui il s’affronte (l’adversaire) qui est le plus difficile à construire et à décrire.
C. les péripéties
Pour retenir l’attention, éveiller l’intérêt du lecteur, il est important de ménager un changement, d’imaginer une ou deux péripéties, des évènements forts, qui relancent l’intrigue.
D. les changements de point de vue
On peut se décentrer par rapport à son personnage principal. Le moyen le plus simple est de marquer deux époques différentes : l’époque des évènements et l’époque de l’écriture. Cette dernière permet d’apporter une autre vision sur la situation, des commentaires.
E. les dialogues
Pour que le texte soit vivant, il faut équilibrer la proportion des dialogues et du monologue intérieur, car le monologue intérieur n’exprime qu’un seul point de vue. Les dialogues permettent d’opposer des convictions.
F. la sincérité
La sincérité vécue est souvent trop intime pour être communiquée à un lecteur, ou en situation scolaire pour être noté. Écrire, a dit Louis Aragon, c’est mentir vrai, c’est-à-dire être capable d’inventer une histoire de toutes pièces, d’inventer des personnages imaginaires à partir de son expérience personnelle.
Écrire pour le lecteur ne demande pas d’être sincère ou non. Le lecteur n’a pas à se poser la question de savoir si votre expérience est vraie ou inventée : l’important est d’écrire un texte intéressant.
Vous êtes le scénariste qui la construit.
Le pari est de construire une intrigue rigoureuse et de mener le suspens jusqu’à la fin. Donc, abandonnez tout de suite les idées de meurtres en série, de détails horribles, d’inondations d’hémoglobine. La meilleure histoire de la classe sera celle qui ne permettra la découverte du coupable que dans le dernier épisode !
Voici une suite d’éléments qui doivent obligatoirement figurer dans votre énigme. Seul (e) ou par groupes de trois élèves, vous allez l’inventer pas à pas.
(D'après Louis Timbal-Duclaux, J'écris des nouvelles et des contes, © Écrire aujourd'hui, 1993, numéro spécial)
Le crime
Qui a tué qui ?
Pourquoi ?
Où ? Quand ? Comment ?
Choisissez la victime, le coupable, le mobile, les circonstances.
Inventez dès maintenant une fausse piste : deux suspects possibles, dont le vrai coupable, deux mobiles, deux alibis.
Pour vous inspirer, consultez les catalogues d’éditeurs spécialisés dans les collections policières. Les résumés des livres vous donneront des idées d’intrigues.
Par exemple
La malédiction du corbeau, Jean-Paul Nozière, Collection Je Bouquine, Bayard Presse.
Maxime et son grand-père ont découvert que le précédent propriétaire de leur maison a été assassiné. Par qui ? Pourquoi ? Cet assassinat a-t-il un rapport avec le sabotage de la fusée Ariane qui vient d’exploser ?
Collection Le Masque :
George Baxt, Par élimination
L’héritage du millionnaire Andrew Graymoor échoira au dernier survivant de ses dix enfants adoptés. Le compte à rebours peut commencer…
John Dickson Carr, Meurtre après la pluie
Un homme étranglé sur un court de tennis, une demi-heure après un violent orage. Et sur le sol détrempé, aucune autre trace que celles de la victime…
Agatha Christie, Le crime de l’Orient-Express
Un wagon de l’Orient-Express bloqué par les neiges, et dans un compartiment, un Américain lardé de douze coups de couteau.
Agatha Christie, La fête du potiron
Au cours des réjouissances de Halloween, une fillette bavarde et menteuse s’est vantée publiquement d’avoir assisté à un meurtre des années plus tôt. Ce n’était guère prudent… Elle a été assassinée. Poirot enquête…
Ruth Rendell, La danse de Salomé
Patrick Selby est mort d’un arrêt du cœur consécutif à des piqûres de guêpes. Mais les gens parlent, parlent… Et le Dr Greenleaf, qui a donné le permis d’inhumer, commence à se poser des questions…
Le mobile
Les mobiles des crimes sont toujours un peu les mêmes. Choisissez-en un parmi ceux-ci et développez-le :
• argent (capter un héritage ; bénéficier d’une assurance vie ; s’approprier un billet de loto gagnant, etc), vol (d’un tableau, d’un bijou, d’un timbre de collection, des actions d’une mine d’or, d’un manuscrit miraculeusement retrouvé, des plans d’une nouvelle fusée, etc)
• amour, jalousie (toutes les situations du crime passionnel)
• ambition (pour obtenir un poste de dirigeant dans une société quelconque…)
• mauvaise conscience (faire taire un maître chanteur ou un témoin gênant)
• vengeance…
Le brouillage des pistes
Déterminez la manière dont le coupable a brouillé les pistes pour éviter d’être accusé :
• alibi bien préparé (préciser : lieux, heures, témoins)
• meurtre déguisé en suicide ou en accident
• disparition du cadavre (de l’hôpital, de la morgue…)
• déguisement de l’assassin (perruque, postiche, imperméable, hauts talons, etc)
• faux indices : pièces à conviction qui accusent quelqu’un d’autre
• détails mystérieux et insolites : cadavre caché dans un étui de contrebasse, étranglée de six bas de tailles et de couleurs différentes, victime aux pieds bandés, etc.
• effacement ou trucage des empreintes
• arme du crime inattendue et diabolique (coups de téléphone affolants, piqûre de guêpe déclenchant une allergie mortelle, poison dans le gâteau de mariage, etc.)
•… sans oublier le traditionnel meurtre en lieu clos : chambre fermée de l’intérieur, bateau en pleine mer, chalet de montagne isolé par la neige
Les indices et les preuves
Des indices doivent trahir le coupable et amener le détective à la vérité : des indices matériels, une phrase prononcée, deux témoignages qui ne concordent pas, un testament truqué, la copie d’un acte d’état civil…
Les preuves, qui vont confondre le coupable et servir au procès, peuvent être de différents ordres : journaux anciens, décalage horaire, ticket d’autoroute, film de caméra de surveillance, empreinte digitale, test scientifique…
La narration de l’histoire
Le plus simple est d’écrire votre nouvelle à la troisième personne : le récit se raconte de lui-même et le narrateur n’apparaît pas. Dans ce cas, personne ne dit JE en dehors des dialogues, et vous-même, témoin ou enquêteur, enquêtrice, n’apparaissez pas dans l’histoire.
Dans les récits classiques, l’histoire de l’enquête est souvent racontée par un ami du détective qui observe, note, et… ne comprend rien : c’est le personnage auquel le lecteur s’identifie. De la même manière, vous pouvez écrire votre récit à la première personne, en faisant raconter l’histoire par un (e) journaliste témoin. Vous pouvez également, dans ce cas, apparaître dans l’histoire, en tant que témoin, ou ami (e) de l’enquêteur.
Il n’est pas conseillé d’être à la fois le détective et le narrateur de l’histoire : en effet, dans ce cas, il est très difficile de ne pas révéler trop vite la solution !
Voici un exemple, tiré d’une nouvelle d’Agatha Christie. Vous pourrez comparer l’exposé du mystère, au tout début de la nouvelle, et la solution qui, à la dernière page, y répond exactement :
1. Le mystère
LA TRAGÉDIE DE MARDSON MANOR
J’avais été appelé hors de la capitale durant quelques jours et, à mon retour, je trouvai Poirot occupé à boucler sa petite valise.
— A la bonne heure, Hastings, je craignais que vous ne soyez pas revenu à temps pour m’accompagner.
— On vous a donc appelé à l’aide quelque part ?
— Oui, bien que je doive admettre, d’après les apparences, que l’affaire ne semble pas passionnante. La compagnie d’assurances, L’Union de l’Ouest, m’a demandé d’enquêter sur la mort d’un certain Maltravers qui avait contracté chez eux, quelques semaines plus tôt, une assurance sur la vie pour la belle somme de cinquante mille livres !
— Vraiment ? m’exclamai-je intéressé.
— Il y avait, bien sûr, la clause habituelle soulignant l’éventualité d’un suicide. Dans le cas où le client se serait tué volontairement au cours de la première année, l’assurance aurait été annulée. Mr. Maltravers a été dûment examiné par le médecin de la compagnie et, bien qu’il soit un homme ayant légèrement dépasse le bel âge, il fut reconnu comme jouissant d’une santé robuste. Quoi qu’il en soit, mercredi dernier, c’est-à-dire avant-hier, le corps de Maltravers a été trouvé sur le terrain de sa propriété en Essex, Mardson Manor, et la cause de sa mort serait une sorte d’hémorragie interne. Ce fait, par lui même, n’aurait rien de singulier, mais de sinistres rumeurs se rapportant aux difficultés financières de Maltravers traînaient dans l’air depuis peu et l’Union de l’Ouest a découvert, sans doute possible, que le gentleman en question était à deux doigts de la faillite. Cela change considérablement les choses. De plus, il avait une femme jeune et belle. On soupçonne qu’il aurait pu ramasser tout l’argent liquide dont il disposait pour payer l’assurance-vie dont son épouse bénéficierait et qu’ensuite, il se serait suicidé ! Une telle histoire n’a rien d’exceptionnel. En tout cas, mon ami, Alfred Wright, qui est un des directeurs de l’Union de l’Ouest, m’a demandé de découvrir la vérité sur cette affaire, mais, comme je vous l’ai dit, je n’ai pas grand espoir de réussir. Si sa mort avait été causée par un arrêt du cœur, je serais plus optimiste. C’est là un verdict qui peut toujours passer pour un aveu d’incapacité du médecin local, ignorant la véritable cause du décès de son malade. Mais, quand il y a hémorragie, aucune erreur n’est possible. Cependant, tout ce que nous pouvons faire est de chercher des renseignements utiles. Cinq minutes pour boucler votre bagage, Hastings, et nous prendrons un taxi pour gagner la gare.
2. La solution
J’avouai :
— Même à présent, je ne réalise pas très bien ce crime et son exécution !
— Commençons par le commencement. Nous avons une jeune femme clairvoyante et calculatrice qui, connaissant la débâcle financière de son mari et lasse d’un compagnon vieillissant qu’elle n’avait épousé que pour son argent, pousse ce dernier à contracter une importante assurance sur la vie en sa faveur. Ceci fait, elle cherche le moyen d’accomplir son dessein. La chance le lui offre ! L’étrange aventure racontée par le jeune officier ! L’après-midi suivant, lorsque Monsieur le Capitaine est en haute mer, comme elle le pense, elle et son mari flânent sur les pelouses et j’imagine leur dialogue : « Quelle bizarre histoire Black nous a racontée, hier soir au souper, observe-t-elle. Un homme peut-il vraiment se suicider de cette façon ? Montrez-moi si c’est possible ? ». Le pauvre fou lui montre, il place l’extrémité du fusil dans sa bouche. Elle se baisse et pose la main sur la gâchette, riant en levant les yeux sur lui : « Et maintenant, monsieur, conclut-elle friponne, supposons que je presse la gâchette ? ». Et alors… Et alors, Hastings… Elle la presse !
Agatha Christie, La tragédie de Mardson Manor, in Les enquêtes d’Hercule Poirot, © Librairie des Champs Élysées, 1968.
Étape 2 : Vérifier la présence des éléments indispensables à l’intrigue
Petite liste pour vérifier la construction de votre énigme :
• Qui est la victime ?
• Où, quand, comment et par qui a-t-elle été trouvée ?
• Par qui l’intrigue est-elle racontée ?
• Quels sont les indices ?
• Qui est coupable ?
• Qui est d’abord suspecté (e) ?
• Pourquoi ?
• Comment le coupable s’y est-il pris ?
• Comment le coupable a-t-il dissimulé son crime ?
• Par quelles preuves le coupable est-il démasqué ?
Étape 3 : Rédigez un résumé de l’intrigue
Rédigez votre projet d’intrigue sous forme de fait-divers et en vous inspirant du fait-divers suivant. Vous présenterez la fausse piste que vous aurez inventée en l’introduisant dans votre texte, par exemple, par la phrase suivante : « On a d’abord soupçonné M. X. (ou Mme Y.) qui avait… Il a été arrêté puis relâché, parce que… »
Étape 4 : Présenter oralement son texte à la classe
En présentant oralement votre texte à l’ensemble des camarades de la classe, vous pourrez vérifier si votre intrigue est cohérente, si elle est assez complète pour être comprise.
Servez-vous du questionnaire de l’étape 2 pour apporter, à votre tour, des conseils à vos camarades, pour leur faire des suggestions éventuelles au cas où leur histoire vous paraîtrait trop compliquée ou peu originale.
Étape 5 : Créer des personnages
Vous voici parvenus à une étape bien plaisante : il s’agit ici de créer les caractéristiques de vos principaux personnages : la victime, le coupable, l’autre suspect, et surtout votre personnage principal : le détective.
Utilisez une fiche bristol. Vous pourrez l’orner d’un dessin ou d’une photo découpée dans un magazine, Ceci vous aidera pour décrire votre personnage.
Voici un modèle de fiche qui vous aidera à inventer. Bien entendu, tous les détails qui figureront sur la fiche ne seront pas tous repris dans votre texte, mais ils vous aideront à imaginer vos personnages.
Fiche pour créer un personnage
Nom/Prénom/Surnom :
Portrait physique
1. Sexe :
2. Âge :
3. Taille et poids :
4. Visage (couleur des cheveux, yeux, peau, nez…) :
5. Silhouette :
6. Apparence (soigné/sale, beau/laid) :
7. Signes particuliers (cicatrices, tics…) :
8. Maladies :
9. Vêtements habituels :
10. Accessoires habituels (pipe, bijoux, lunettes…) :
Situation familiale et sociale
1. Classe sociale (modeste, moyenne, haute) :
2. Métier/fonction (travail, horaire, salaire) :
3. Éducation (durée, écoles, matières favorites ou pas, culture…) :
4. Vie familiale (parents vivants ? séparés ? divorcés ? orphelin ? Leur mentalité,
leur cadre de vie, leurs habitudes/qualités/défauts) :
5. Valeurs morales (honnêteté, honneur, courage, patience, respect, tolérance ou le contraire…) :
6. Situation familiale (célibataire, marié, divorcé…) :
7. Nationalité :
8. Place sociale : effacée ou forte (clubs, associations…) :
9. Activités de loisirs : lectures, journaux, sports, bricolage… :
Portrait psychologique
1. Caractère (nerveux, apathique, sentimental, rêveur, coléreux…)
2. Attitude face à la vie (actif, militant, suiveur, résigné, désillusionné…) :
3. Complexes personnels (peurs, superstitions, obsessions…) :
4. Niveau d’intelligence :
5. Capacités particulières (maths, littérature, cinéma, informatique…) :
6. Relations avec les autres (extraverti, introverti…) :
7. Qualités (imagination, logique, intuition…) :
Vérifier que tous ces éléments sont cohérents entre eux. En modifier certains au besoin.
Voici un modèle de fiche remplie pour un célèbre personnage d’enquêteur :